Montréal,
Québec, LA PRESSE, le mercredi 10 novembre 1965,
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30
millions d'Américains victimes du "blackout"
NEW
YORK (PA, AFP, UPI, PC) - La pire panne d'électricité
jamais survenue aux États-Unis a plongé environ
30 millions de personnes dans l'obscurité complète
dans l'est du pays jusqu'à Jacksonville, en Floride,
et Toronto en a également subi les effets, hier soir,
à l'heure de pointe.
Quelque
quatre heures après que l'obscurité est envahi
New York, Boston et la plupart des villes de la région
nord-est, le président Johnson a donné ordre
à la Commission fédérale de l'énergie
électrique d'entreprendre immédiatement une
enquête, avec l'aide du FBI.
Cette
gigantesque panne d'électricité survenue à
5 h. 15 p.m. a complètement paralysé la circulation
provoquant des embouteillages monstres dans la grande métropole
américaine. Les feux de circulation étaient
éteints, et des centaines de milliers de personnes
étaient immobilisées dans les ascenseurs des
gratte-ciel, dans les gares de métro et de chemins
de fer, dans les tramways, les trains électriques
et les trolleybus. Et que dire des milliers de ménagères
prises au dépourvu dans des maisons chauffées
à l'électricité qui sert également
à la cuisson des aliments.
La
première panne s'est produite à 5 h. 15 p.m.
et a duré jusqu'à 6 h. 18 p.m. à Toronto,
mais s'est prolongée à New York et dans d'autres
régions. La deuxième panne est survenue à
6 h. 53 pour se terminer à 7 h. 06 p.m. et la troisième
a duré de 7 h. 22 à 7 h. 44 p.m.
La
cause de cette panne est une défectuosité
mécanique majeure dans les lignes de transmission
à Buffalo et Niagara Falls, N.Y.
Un
porte-parole de la Consolidated Edison Company à
New York a dit que lorsque le courant a été
subitement coupé dans la partie supérieure
de l'État de New York, les localités situées
au nord de New York ont placé un fardeau trop lourd
pour le réseau interdépendant avec le résultat
que la panne d'électricité s'est propagée
vers le sud comme une véritable marée montante.
Presque
la panique à New York
A
Manhattan, le quartier général de la Défense
civile a demandé à tous ses membres de se
mettre à sa disposition et tous les policiers qui
étaient disponibles ont été rappelés
en service. Des patrouilles spéciales ont été
dépêchées dans les gares souterraines
de métro.
Les
communications téléphoniques et radiophoniques
ont été interrompues en certains endroits
de la région affectée qui comprenait la majeure
partie de l'État de New York, et des parties du Maine,
du New Hampshire, du Vermont et de la Pennsylvanie.
L'obscurité
complète s'est produite à New York même
à 5 h. 20 p.m. alors que des centaines de milliers
de personnes ont été emprisonnées dans
les ascenseurs des gratte-ciel, entre les étages.
Les rames de métro se sont immobilisées sur
des distances de plusieurs milles sous terre, les écrans
de cinéma et de télévision sont devenus
noirs. Les hôpitaux ont passé en vitesse à
leurs services auxiliaires d'urgence d'électricité,
et de nombreux avions tentaient de trouver des endroits
pour atterrir, les aéroports Kennedy et La Guardia
à New York, étant aussi plongés dans
l'obscurité totale.
Le
secrétaire de presse du président Johnson
a transmis un ordre du président ordonnant aux aéroports
militaires de recevoir les appareils commerciaux mis en
danger par l'obscurité.
Les
USA vulnérables à une attaque nucléaire
A
Washington, la véritable catastrophe provoquée
par cette panne d'électricité pourrait signifier
un nouvel examen de la vulnérabilité des États-Unis
en cas d'attaque nucléaire. Cette catastrophe jette
un doute sérieux sur une étude publiée
l'an dernier par la Commission fédérale américaine
de l'énergie électrique. Ce rapport disait
en effet, qu'il était improbable que l'énergie
électrique soit interrompue complètement,
même pendant une attaque nucléaire.
Ce
rapport constituait une étude sur les moyens de défense
prévus par la Commission qui recommandait alors un
plus grand raccordement des systèmes électriques
dans le pays tout entier.
La
panne d'électricité d'hier soir, qui a été
entière ou partielle dans certaines régions
couvrait une superficie de 80,000 milles carrés s'étendant
de la Pennsylvanie jusque dans les États de New York,
du New Jersey, du Rhode Island, du Connecticut, du Maine
et du Vermont.
Pillage
et émeute
Dans
cette nuit noire les ordres d'urgences étaient donnés
de partout. La Garde nationale a été appelée
en service dans les États de New York, du Rhode Island
et du Massachusetts. Tous les policiers et pompiers ainsi
que les membres de la Défense civile ont été
alertés.
Dans
plusieurs villes la police et les gardes nationaux ont dû
s'attaquer aux vandales et aux pilleurs d'établissements
commerciaux de toutes sortes.
A
la prison de Walpole, à 30 milles au sud-est de Boston,
200 prisonniers ont déclenché une émeute,
et ont causé des centaines de milliers de dollars
de dégâts. Des policiers de l'État ont
finalement réussi à ramener l'ordre grâce
au gaz lacrymogène.
Des
actes de vandalisme et de pillage ont été
signalés à New York, à Boston et Cambridge
ainsi qu'à Springfield au Massachusetts, de même
qu'à Rochester, N.Y.
En
plus de Toronto, les autres villes canadiennes qui ont été
affectées sont: Hamilton, Oakville, Oshawa, Kitchener,
Kingston, Brockville et Ottawa. La ville de Niagara Falls
elle-même n'a pas été atteinte. Un porte-parole
de l'Hydro d'Ontario a déclaré à Toronto,
que des appels sont parvenus de certaines villes de la Floride
pour s'enquérir des raisons de ces pannes.
Le
métro de Toronto a eu recours au pouvoir électrique
fourni par des dynamos d'urgence, mais les trains électriques
ont été immobilisés pendant plus d'une
heure, et les passagers ont attendu calmement que le courant
revienne. La Commission de transport de Toronto a utilisé
des autobus supplémentaires pour remplacer les trolleybus
sur les principales lignes.
L'aéroport
international de Toronto a pu fonctionner comme d'habitude
grâce à son système d'urgence. La Société
Air Canada a fait savoir que l'horaire des vols de Toronto
n'avait pas été désorganisé.
Cependant deux aérobus d'Air Canada ont dû
atterrir à Newark, N.J.
D'autre
part, le trafic à l'aéroport de Montréal
a été augmenté de six vols inattendus,
peu après que la panne se fut produite à New
York. Un porte-parole de la tour de contrôle à
Dorval a précisé que des vols en route vers
New York ont été détournés vers
Montréal: ces appareils venaient d'Europe et des
Antilles. Un Super VC-10 de la BOAC transportant 120 personnes
s'est posé à l'aéroport de Montréal,
ne pouvant atteindre l'aéroport Kennedy à
New York.
Alerte
à Washington
A
Washington, un porte-parole du secrétariat à
la Défense a déclaré qu'une rapide
vérification des principales bases militaires, y
compris le Commandement stratégique de l'air et le
Commandement de la défense aérienne de l'Amérique
du nord, a confirmé que les communications étaient
intactes.
Le
Pentagone a admis qu'on avait signalé des difficultés
dans certaines lignes terrestres, mais les autorités
militaires ont fait savoir qu'elles avaient suffisamment
de lignes alternatives pour remédier à la
situation.
Toutes
les stations de communications de la défense sont
munies d'un système d'énergie électrique
d'urgence.
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